TEXTES ET POÉSIES
compilation https://youtu.be/LLiaZzbEibw
Saga de 47 poèmes constituant un "Voyage au travers des travers de l'homme à travers les âges"
MIROIR
Je suis le nègre bleu, je suis de toutes races
J’ai vu tous les pays et me voici sans âge
Les habits de mon âme encore maculés
De l’abjection fangeuse inhérente à l’espèce.
Je suis le nègre bleu aux multiples miroirs
Le diamant bleu glacé des royaumes de l’aube
Sans éclat dans la poix du collectif humain.
Je suis le nègre bleu au regard aquilin
De voyages voici, des fardeaux rapportés
Sur ma maigre conscience au gré de mes périples.
Esclaves ! Ouvriers ! Prêtres ! Maîtres ! Reîtres !
Vous portez sur la face un de mes nombreux masques.
Je suis le nègre bleu, la marée du naufrage
Rejetant sur la plage épaves et joyaux.
Nègres bleus approchez, venez-vous contempler
Dans les eaux de mes yeux fardés d’ors et de fèces !
ABYSSES
Je visitais la mer au bleu des nuits sans lune
A la seule lueur de coraux écarlates
Qui scintillaient, tintant, tels des lustres cristal
Au fond de cul de basses-fosses abyssales,
Ruines sculptées par l’eau, cité de roches noires,
Terrasses surplombant ces abîmes aveugles.
De corridors hantés par quelques monstres mous
Remontaient en lambeaux de lointaines légendes.
Ainsi je découvrais des poissons arlequins
Les blancs chevaux de mer, le sabbat des sirènes,
Jusqu’au vaisseau fantôme allant à l’horizon
Regagner les enfers de dragons aquatiques.
Cœlacanthe lippu, j’ai croisé dans les eaux
Endormies de contrées immobiles en le temps
De mon corps écrasé, j’éjaculais mon âme
Qui allait se dissoudre aux confins des marées.
TERRE
C’est alors qu’épuisé, je m’échouais, visqueux,
Sur des sables terreux d’un cloaque brumeux
Où des mousses couvaient des hordes de moustiques
Parmi les lianes qui se trempaient dans l’eau brune.
Du marais émanait en de lourdes effluves
La décomposition de plantes organiques.
Cet humus faisait croître une flore repue
Qui de putréfaction pourléchait ses racines.
Des reptiles gluants bavaient contre mon corps
Et des sauriens gobaient des oiseaux rêvassant.
Le silence étouffait des joutes sporadiques
Qui par faim et par peur alimentaient la vie.
Je restais là, hagard, écœuré et transi
A l’abri du repli des siècles quand soudain,
Je me prenais pour l’homme et me dressais d’un cri
A l’image des Dieux qui erraient en ces lieux.
PREMIERS PAS
Alors, armé du feu et la peau teinte en noire,
En nègre j’avançais dans l’étuve des jungles,
A ma danse un tam-tam pour combattre ma peur,
A ma gorge le chant du feulement des fauves.
Le soleil n’était plus et les ténèbres verts
Faisaient de mes yeux noirs des trappeurs de lumière,
Seul un cacatoès, oiseau spectre solaire,
Parfois tombant des nues m’offrait un arc en ciel.
Longtemps ainsi j’allais, chasseur comme gibier
A mes lèvres séchait le sang de mes blessures
Mêlé au sang des chairs que mes dents déchiraient
Dans les morsures bleues ouvertes par mes flèches.
Dans l’opaque torpeur de la nuit où j’allais,
Je tombais en arrêt sur des parfums de musc ;
Une femelle sale, à l’abri de fougères,
Dormait abandonnée à mes faims sexuelles.
FAIMS
Je la humais de loin, sentant monter ma fièvre.
Elle dormait perdue, la main au creux des cuisses.
Je devinais la chair de sa peau à la lune
Que couvrait une peau en loque par sa fuite.
Sa peau, gris anthracite à reflets de cobalt
Comme les galbes mous d’un cul à hanches larges
Alanguis sur le sol de galets et de feuilles
Faisaient monter ma verge au vent de mes désirs.
Face au vent j’approchais, tombant dans son sommeil
Lui saisissais la croupe, accroupie la jetais,
Lui labourais le ventre à deux ou trois reprises
L’inondais de mon foutre insensible à ses cris.
Je la laissais s’enfuir me couchant pour dormir
D’un rot béat sur la couche d’herbes tiédies
Par son corps tout à l’heure encore couché là
Et qui, je le savais, couvait déjà mon fruit.
SÉDENTAIRE
Depuis combien de temps n’avions-nous pas suivi
Les troupeaux migrateurs à travers les saisons ?
Depuis combien de temps n’avions-nous pas senti
Les affres de la faim au bout de nos sagaies ?
Nos huttes aujourd’hui s’appelaient des maisons
Le chaume et le pisé en lieu des peaux de bêtes,
Et les blés ondulant en champs désordonnés
Galettes complétaient nos précaires repas.
Pierres par-dessus pierres se montait la cité,
Nous n’étions plus tribus nous formions un troupeau
Homo sapiens hier nous devenions des hommes
Que le monde animal regardait en vassal.
Alors que sans un bruit nos longères sombraient
Dans le calme du soir, dans le bleu de la paix
Je regardais s’éteindre le soleil au couchant
Me demandant, la guerre, quel sein l’enfantera ?
MARCHAND DE PEURS
Au matin la rosée avait lavé la veille
Et la vie sonnait clair ricochant sur le fleuve,
J’étais sorcier pour l’heure, après être passé
De tribus en tribulations de toutes sortes.
Je faisais avec Dieu des commerces douteux,
Je faisais croire au diable en dansant dans le feu
La nuit lors de sabbats que le fleuve buvait
Ainsi que le sang frais qui gouttait de l’autel.
Sous la danse les corps suaient ocres et noirs
Comme l’acre clameur émanant des enfers.
Je vois toujours l’aurore en une vierge pâle
Poignardée d’un soleil qui irradiait mon glaive.
Et le fleuve ondulant de sa croupe boueuse
Passait indifférent sous l’œil des crocodiles
Digérant les reliefs de notre sacrifice
A l’heure du repas des mouches putrivores.
PIERRE DE L’ATLAS
Une mouche cherchait un peu de pus à boire
Aux bords de mes yeux clos par la lumière écrue
Qui tirait l’eau du cœur des pierres pour donner
Au désert des vapeurs; flous hallucinogènes.
J’égrenais le silence au sommet de ma dune
Alors que l’oasis à mes pieds travaillait
Entre murs en pisé et vantaux en roseaux
Dans la moiteur sordide aux âmes chevillées.
J’étais à leur égard, la conscience à l’écart.
A l’écart de leurs lois comme de leurs écarts.
J’étais pierre parmi les pierres de l’atlas
Mais j’étais celle-ci que le scorpion habite.
Et je voyais passer les lourdes caravanes
Qui damaient le désert de longs blatèrements ;
Dromadaires couverts du trésor des nomades ;
Princes bleus regagnant leur caravansérail.
À suivre...
Paris-Quartiers-Bohèmes :
La ballade du pauvre Villon
Quand j’eus semé aux quatre diables
Mes biens, mes dettes et larcins
Sur mon lais écrit sur la table
Du trou de la pomme de pin,
Je bisais larrons de détresses,
Je bisais mes sœurs les catins,
Qui sur la joue, qui sur la fesse,
Et prit bâton du pèlerin.
Pauvre Villon m’en est à pieds
Pauvre Villon m’en ai expié.
Fuyant la corde et Montfaucon
Sans savoir à combien mon cul
Au vu du larcin, compagnons,
Pesait pour nos cinq cents écus,
Chassé, banni, la corde au cou,
Loin de Paris de par la loi,
Date où je disparus de vous
mil quatre cent soixante-trois.
Pauvre Villon m’en est à pieds
Pauvre Villon m’en ai expié.
Villon, François de Montcorbier,
Moi qui joua avec le feu,
Moi qui n’étais qu’un escollier,
Moi qui rimais avec les dieux.
Que moi conte ce qu’il advint
Du poète qui en boissons
Perdit sa langue dans le vin
Et donna ses vers aux poissons,
Pauvre Villon m’en est à pieds
Pauvre Villon m’en ai expié.
A moins que je trouva en route
Couchée au chaud de la grande ourse,
Du bout des dix doigts que l’on goutte,
La chair épicée d’une rousse.
Qu’en sa niche attacha ma chaine
Et que pour reste de ma vie
Je mangea restes de ma chienne
Et bus son lait jusqu’à la lie.
Pauvre Villon m’en est à pieds
Pauvre Villon ai pris mon pied.
Ou qu’il se peut dans une église
Où venu reposer mon corps,
Dieu m’ait réveillé par surprise
Et m’ait ramené à bon port.
Qu’en bure je me sois cloitré
Priant, jeûnant, et maigrissant
Tels qu’ils n’eurent pour m’enterrer,
Qu’à laisser souffler le grand vent,
Pauvre Villon m’en est à pieds
Pauvre Villon m’en ai expié.
Mais je crois que folle jeunesse
J’ai perdu le nord en forêt,
Que la folie me fit des tresses
Quand ma tête courait après.
J’en ai oublié le retour
J’en ai perdu jusqu’à mon nom,
Où sont mes mots ? Sont mes amours ?
Où donc est donc passé Villon ?
Pauvre Villon m’en est à pieds
Pauvre Villon m’en ai expié.
Où sont mes mots ? … amours !...amours ?
Où donc est donc… Villon… Villon !
Le sonnet des deux trous du cul
Il était son Verlaine, elle était son rimbaud.
leurs semelles de vent foulaient les feuilles mortes
en longs sanglots où sombre une barque ivre morte
Dans la saison d’enfer qu’ils vivaient en corbeaux.
le cercle à peine éclos fana en onze baux
ne laissant que, fragrance, une jeunesse accorte
et l’album qui traina plus d’un « vilain cloporte »
Dans la fange où, zutiques, vous les pastichiez beau.
Ainsi pauvre Merat, un vent mauvais emporte
tes blasons ne laissant sur le pas de ta porte
Que leur odieux sonnet, venté, « du trou du cul ».
Il était son rimbaud, elle était son Verlaine
S’aimèrent tendrement d’une profonde haine
Se quittèrent amants comme ils vécurent nus.
Arthur rimbaud, Paul Verlaine
BFR
Bruant l’Anar, l’Aristide Bruant !
Il avait en guis’ d’étendard
une étol’ roug’ comm’ son pinard
et des braies à chier dedans.
Pour sûr qu’avec son galurin
on le voyait venir de loin
C’était pas un panache blanc
Au Bruant, l’anar, l’Aristide Bruant.
on aurait cru voir le croqu’mort
Avions peur qu’il nous jette un sort ;
Il braillait just’, nous engueulant.
Il fallait jouer à cache-cache
Pour pas se fair’ traiter d’peau d’vache
Pour pas se fair’ rentrer dedans
Par Bruant, l’anar, l’Aristide Bruant.
les bourgeoises comme à confesse
repartaient en serrant les fesses
A coup de pomp’s dans le fond’ment.
Il parlait la langue des rues
Celle qu’on pette par le cul
Mêm’ qu’ le bourgeois reste sans voix
Au Bruant, l’anar, l’Aristide Bruant.
Il rebaptisa le « Chat noir »
Sur le boulevard rochechouart
« le Mirliton », y souffl’ dedans ;
le Bruant, l’anar, l’Aristide Bruant.
Ils nous chantaient la butt’ Montmartre
la misère à la gueul’ verdâtre
le malheur des petites gens.
Il nous braillait ceux d’la Bastille
les apach’s, les gueux en guenilles
les agents plus morts que vivants ;
le Bruant, l’anar, l’Aristide Bruant.
Lautrec dont il était l’fétiche
Fit de sa bell’ gueule une affiche
Qu’il placarda à tous les vents.
Quant au Frédé qui sans le rond
risquait de perdr’ son cabanon
lui sauva son lapin à temps
le Bruant, l’anar, l’Aristide Bruant.
D’être enfumé dans les beuglants
les traitait pis que des brigands.
Il voulait qu’en guise de seing-blanc
Sur sa tombe l’épitaphe dise
« M’ont enrichi, je les méprise
nous sommes quitte », Adieu bonn’ gens
Bye ! Bruant, l’anar, l’Aristide Bruant.
le voilà mort et en poussière
Mais qu’il se rassur’ le grand frère
A nous a laissé un petiot
le mister renard, le docteur renaud
L’amour là-bas y est enclos
les lilas sont enclos
Closerie des lilas.
Closerie des lilas,
on lit là, de la prose,
ou l’on cause entre amis
Des choses de la vie,
Closerie des lilas.
on lit là, on écrit,
on y crie la folie
D’années foll’s à lier
enclosent à Paris,
Closerie des lilas.
on rit pas à Paris,
on cause Closerie,
on lit là, lit ici,
on glose, on rit,
Closerie des lilas.
Closerie des lilas,
on expose sa cause,
on explose de rire,
en mille éclats de vers
Qui brisent là les choses,
Qui closent le débat.
Boulevard Montparnasse,
nasse pour Montparnos,
les lilas sont enclos
Closerie des lilas.
Au bon mot qu’on arrose
D’un vers ou d’une prose,
on ose tout, on rit,
À la rose au lilas.
oser rire aux éclats
De vers que l’on prose,
De glace que l’on brise,
Closerie des lilas.
De verres qui explosent,
Closerie des lilas,
on ose tout, on rit,
on arrose entre amis
un sein rose qui sourit,
une môme haut perchée
Qui nous cligne du prose.
ose, rit aux éclats,
Closerie des lilas.
Closerie des lilas
Boit un vers, une prose,
Arrose les amis,
Closerie des lilas.
Ces années de folie
Vit les jusqu’à la lie,
Vit les jusqu’à ton lit,
Closerie des lilas.
Hemingway goes away,
Assis là, il écrit
Closerie des lilas.
Closerie des lilas
Il s’assit là, mâtine,
Il dit que « le soleil
se lève aussi », là-bas,
Closerie des lilas.
Closerie des lilas
Hemingway s’assit là ;
he goes away,
À sa prose qui se lève,
Closerie des lilas.
Closerie des lilas,
Quand sonna l’hallali
Aux années de folies,
les années vert-de-gris
nous revinrent moroses,
les années rose sang
Sans lilas à fleurir.
Closerie des lilas
les lilas ne meurent pas.
SAINT-JAZZMAN-DES-PRÉS
Saint-Germain, c’est une musique faite de notes
aussi blanches que Stéphane Grappelli,
aussi noires que Bill Coleman,
aussi rouges que jazz,
aussi jaunes que les soleils des Sunlights.
notes qui se répercutent sur les parois des caves voûtées.
Qui s’entrelacent.
Qui se fracassent.
Qui s’interpellent.
Qui se disputent l’espace.
Qui jouent à cache-cache jusqu’à perdre l’audition.
Qui enfreignent les lois de l’harmonie.
Qui dépassent la vitesse autorisée par une surabondance de notes.
Qui s’accordent jusqu’à plusieurs fois par mesure.
Qui descendent les rapides sur des tempos de compétition.
Qui éclaboussent le public par des phrasés dynamiques.
Qui sonnent.
Qui dissonent.
Qui se jettent dans le vide de l’improvisation.
Qui s’entremêlent en polyrythmie qui ferait se battre les mesures.
Qui font une syncope dès que le temps est affaibli.
Qui scat les voix qui gargouillent en onomatopées.
et qui enfin savent avoir bien descendu le demi ton magique de
la note bleue.
L'enfer est toujours de saison
en cours de construction
Lune en scorpion
en cours de construction
Amère Beauté - le livret noir -
en cours de construction
Amère Beauté -la carte du tendre -
en cours de construction
Amère Beauté - Rime à rien
en cours de construction